CONCOURS COMPLET, DISCIPLINE SINGULIÈRE ET POLYVALENTE.
Le concours complet, c’est fascinant. J’ai ce souvenir indélébile de Nicolas Touzaint et Galan de Sauvagère dans le gué des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, qui fut également un poster longtemps accroché sur le mur de ma chambre d’adolescente. C’était dingue cette impression de facilité, son doigt pointé vers le ciel, Galan rênes longues imperturbable. Le concours complet, et particulièrement le cross, a cette capacité de vous demander autant de maîtrise que de lâcher prise, de précision que d’instinct.
Cette discipline a quelque chose d’animal qui ne peut vous faire vivre que l’instant présent. Impossible de penser à hier ou à demain, c’est ce qu’il se passe maintenant qui compte. Et c’est sans doute ce qui fait que cette discipline, peut-être plus que les autres, vous invite à une fusion totale avec votre cheval qui lui vit chaque moment dans l’instant présent. Le concours complet nécessite une connexion permanente et polyvalente avec le cheval : dans l’exigence d’un carré de dressage, dans la variété d’un cross, dans la rigueur d’un parcours d’obstacles, dans les soins que vous lui apportez au quotidien. Au-delà de l’adrénaline, je pense que c’est la discipline que le cavalier a trouvé de mieux pour ne faire qu’un avec son cheval. Je pense que le cross, dans sa difficulté, permet de se sentir libre et convaincu que chaque obstacle est franchissable. Une discipline singulière, un partage hors du commun et une leçon de vie pour l’Homme. Et qu’y a-t-il de plus divin que d’être libre et de ne pas avoir peur ?
La semaine dernière, quand j’ai lu le simple titre “Faut-il interdire l’épreuve de cross en CCE ?” (faisant suite aux drames récents survenus en France dans la discipline du Concours Complet d’Équitation), considérant que la réponse ne pouvait qu’être non, le débat avec Thomas Stempffer était vite lancé. Nous nous sommes demandés qu’aurions-nous répondu à cette question ? Ou plutôt, quelle question aurions-nous posé ? Quelle réponse pouvons-nous apporter ? Alors que la Fédération Française d’Équitation et les cavaliers sportifs de haut-niveau ont démarré une réflexion commune la semaine passée, Thomas et moi nous sommes rendus à cette évidente question : faut-il sauver le concours complet ? En voici son point de vue en tant qu’instructeur et cavalier professionnel.
Préambule par Roxanne Legendre
—
FAUT-IL SAUVER LE CONCOURS COMPLET ?
écrit par Thomas Stempffer
Discipline reine de l’équitation, le concours complet met en évidence la polyvalence des athlètes, à la manière d’un triathlon pour chevaux. Les « complétistes » ont su préserver ce qui constituait l’origine de leur sport : un rapport au cheval tressé d’admiration, d’intensité et d’un certain goût du risque. Il est intéressant de rappeler que cette activité répond parfaitement à la description que Pierre de Coubertin faisait du sport : « il va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ».
De nos jours pourtant, le risque a mauvaise presse. Et c’est peu dire. On lit sur les réseaux sociaux à chaque lendemain d’accident qu’il faudrait « interdire le concours complet » ou que la discipline aurait « des problèmes ». Les vrais problèmes ne résideraient-ils pas plus généralement dans la gestion que chacun fait de sa peur ? A fortiori lorsqu’elle est mêlée d’incompréhension pour ce qui constitue l’essence de ce sport : la montée d’adrénaline ?
Bien plus qu’une addiction légale, l’adrénaline est aussi générée par l’envie des hommes et des femmes de tester leurs limites ; par l’envie de se mesurer à la difficulté dans un monde où tout doit être facile pour être accepté. Les quelques tragédies que connait cette « grande famille des cavaliers » sont évidemment très dures à gérer émotionnellement, parfois même insoutenables.
Est-ce pour autant une raison valable pour interdire le risque à ceux qui l’aiment ? Faut-il priver les cavaliers de CCE de vibrer avec leur sport ? Peut-on sérieusement penser qu’un cavalier de complet puisse ignorer la difficulté à laquelle il se confronte lorsqu’il est dans la boite de départ du cross ? Doit-on le protéger de lui-même dans la mesure où il ne sera dans tous les cas aucunement dangereux pour les autres ? J’ai le droit de penser que non.
En droit d’ailleurs, le risque est défini comme « l’éventualité d’un événement qui peut causer un dommage ». La balançoire est donc aussi une activité à risque, tout comme le ski alpin, le saut à l’élastique, ou encore : traverser la rue. Même si le risque contrarie certains, vouloir l’interdire semble démesuré, au regard de l’émotion qu’il procure aux pratiquants et aux aficionados, tous volontaires.
Vouloir sauver le concours complet ? L’intention peut paraître noble. Vouloir le changer par refus d’accepter qu’il soit un peu plus risqué que d’autres pratiques équestres, c’est vouloir le dénaturer. Toutes les prises de paroles ne se valent malheureusement pas, et il est dangereux de confondre un commentaire dominé par l’émotion, avec une analyse d’expert pratiquant.
Ceci n’empêche évidemment pas de continuer à faire évoluer la discipline en cherchant par tous les moyens à en renforcer rapidement la sécurité : équipements, formation des chevaux, des cavaliers, des coachs, des chefs de piste… La commission de sécurité (qui a eu lieue le 14 octobre 2019, organisée par la FFE) saura sans aucun doute trouver les solutions les plus adaptées pour servir son sport de cœur, comme ses membres l’ont toujours fait. En tant que spécialistes, ils sont d’ailleurs les premiers concernés et les mieux placés pour agir vite.
Peut-on simplement empêcher des cavaliers qui dans leur respect infini de l’Animal, veulent se confronter à leurs propres limites ? La part de risque devrait au contraire aider l’opinion publique à prendre la mesure des performances. Le concours complet d’équitation n’est-il pas d’autant plus beau que chaque victoire est durement acquise ? Le risque surmonté avec bravoure devrait attirer au lieu d’indigner. Nul n’est tenu de se confronter à la peur mais l’on ne peut qu’admirer ceux qui osent. Les petits et grands acteurs du concours complet qui reconnaissent les valeurs de ce sport ne s’y trompent pas, même s’ils ne savent pas toujours communiquer leur enthousiasme avec pédagogie auprès du grand public.
Ce qui est beau dans l’équitation, c’est qu’il y en a pour tous les goûts. Du risque proche de zéro au risque mesuré, chacun peut ainsi choisir sa façon de pratiquer. C’est ce que le Cheval offre à l’Homme : un sentiment inestimable de partage, de sincérité et de liberté.
Il ne faut donc pas sauver le concours complet car il n’est pas en crise. Il faut avant tout le comprendre, le respecter ou l’accepter, qu’on l’aime ou pas. Le concours complet ne sera peut-être jamais consensuel, mais nombreuses sont les activités équestres qui rassemblent. L’heure a peut-être sonné pour que les férus de pratiques équestres se rassemblent autour d’un amour qui leur est bel et bien commun : les chevaux.
Les passionnés de mer ou de montagne le font bien, eux. Pourquoi pas nous ?
—
Suivre Roxanne Legendre et Thomas Stempffer sur Instagram
Cet article vous a intéressé et vous souhaitez devenir un lecteur actif de la communauté ? Rejoignez le groupe Facebook La Buvette PegaseBuzz ou abonnez-vous à la newsletter La Buvette pour connaître les dessous du média PegaseBuzz
Suivre le média PegaseBuzz sur LinkedIn
DE LAUZON BERTRAND
octobre 24, 2019Bien sur qu’il faut garder cette superbe discipline équestre, mais soyons très prudent !!.. Ne partez pas sur une épreuve sans une garantie de votre niveau.. Là, il n’y a pas de fautes notes à avoir !!!
Courage à tous et ne désespérons pas…
Julie
octobre 28, 2019Le Complet c’est la vie.
Quel bonheur de former son jeune cheval et de nous voir progresser ensemble sur chaque concours.
Quel bonheur de sentir le cheval trépigner dans la boite de départ, le oreilles en avant ..
Quel bonheur de sentir le cheval s’amuser et vouloir en recoudre sur cette magnifique épreuve de Cross
Le complet, nous, on Adoore
Reffé
août 18, 2021Bonjour. Ancien instructeur et cavalier, particulièrement de Concours Complet, je ne peux que vous suivre dans vos réflexions. Je voudrais réagir sur la douleur perçue par le cheval dans les différents photos de J.O. , dans les épreuves des centres équestres ou tout est fait pour valoriser le résultat du cavalier, dans l’oubli total du sentiment du cheval. J’ai du mal à exprimer ma pensée, mais je commence seulement à prendre conscience à 77 ans des dégâts inévitables d’un morceau de fer dans le bouche d’un cheval. Depuis les réflexions des éthologues, leurs recherches et leurs résultats, une prise de conscience du travail sans mors commence à pointer dans l’esprit des cavaliers. C’est évidemment un problème difficile à régler puisqu’il remet en question toute la formation des cavaliers et nos vieilles traditions. Mais, et si certains voulaient bien prendre en main un système de formation, indépendant des instances actuelles, et faire connaître aux amoureux du cheval l’immense plaisir que l’on a à sentir un cheval qui ne subit plus le diktat de son cavalier mais qui se donne généreusement et sans crainte à ses demandes.
Bien cordialement