CHANGER LES HUMAINS POUR CHANGER LA FILIÈRE ÉQUINE.
Je constate depuis ces dernières années une accumulation d’événements discrets, de frémissements, liés au bien-être du cheval que ce soit dans la création de business ou dans la mise en place d’espaces de discussion en physique ou en virtuel. Véritable conviction ou tendance marketing ? Ce qui est certain, c’est que les lanceurs d’alerte sont moins nombreux et moins ardents que les extrémismes, qui eux ont le vent en poupe et sont très organisés. Les chevaux ne sont pas des machines argumentait une association végane. Comment ne pas leur donner raison ?
Conférences dédiées au bien-être du cheval, Assises de la Filière Equine à Angers 2019 sur la nécessité de changer les méthodes d’hébergement et d’entraînement pour continuer de monter à cheval en toute quiétude dans une société en profonde transformation, la tribune du complétiste Arnaud Boiteau sur l’avenir de l’équitation…
Il se passe des choses en cuisine, mais le dîner n’est toujours pas prêt. Problème : personne n’est d’accord ni sur le menu ni sur la recette. Débattre, un savoir-faire français. Pour ce qui est d’agir, c’est un petit peu plus compliqué.
Cette semaine encore, Marcel Rozier me disait que la meilleure façon de faire du sport équestre (de haut-niveau) durablement, c’est de faire de son cheval son meilleur ami, et d’accepter et respecter ses capacités. Les bases pour faire du bon sport dans le respect et le bien-être de tous, nous les avons déjà. Encore faut-il savoir et vouloir les appliquer. Et utiliser ce que nous savons des chevaux (la théorie), nos expériences (la pratique) et nos découvertes (la science) pour améliorer cet univers éminemment magique et lui permettre de le faire évoluer au rythme d’un monde qui change.
Pour sa 4ème édition, le HIT Paris 2019 (Horse Innovation Talks) abordera les impacts des grands changements sociétaux sur la filière équine le 4 décembre 2019 au Théâtre Paris Story, faisant intervenir des speakers venant du sport, de l’architecture et bien d’autres domaines. La question thématique : A quoi ressembleront les pratiques équestres en 2050 ? Le président de l’événement Jean-Christophe Dupuy précise à titre de préambule de la soirée :
“En 2050, le paysage du cheval en France aura été bouleversé. Les effets du réchauffement climatique pèseront à plein sur les éleveurs, contraints de s’adapter au manque d’herbe, il ne sera plus socialement acceptable d’arroser une carrière ou un manège, ni même de prendre sa voiture individuelle pour monter dans son club hippique à 30 km de la ville ou on habite. D’ailleurs, la notion de ville et de campagne aura radicalement changé. Les villes se seront ruralisées […]. Dans ce cadre, les centres équestres auront migré vers les villes, adoptant de nouvelles organisations architecturales, et, sous la pression du bien-être animal, l’écurie active ou agroécologique seront devenues les nouvelles normes. Ce mouvement, allié au développement exponentiel de l’enseignement connecté à distance, aura sûrement « disrupté » le métier d’enseignant d’équitation, le mettant peut-être au cœur de nouvelles communautés affinitaires qui ne s’organiseront plus autour du « club » traditionnel, mais de pratiques équestres toujours plus individualisées.”
Non, nous ne savons pas ce que sera le monde du cheval en 2050. Sommes-nous sûrs de ces évolutions sur les trente prochaines années ? Avons-nous connu de telles transformations des usages entre 1990 et 2020 dans la filière équine ? J’ai plutôt l’impression que les cavaliers et passionnés restent attachés aux traditions, aux racines d’une culture équestre fortement ancrée et finalement plus naturelle que révolutionnaire. Que même si l’on a intégré de la technologie, que ce soit dans l’élevage ou la santé par exemple, le cheval reste quelque chose d’instinctif pour les humains. A quoi reconnaît-on les meilleurs entraîneurs de chevaux de courses ? Ils ont l’œil, le ressenti et la précision pour connaître chaque cheval dans ses forces et ses faiblesses, pour savoir s’il est en forme ou pas, s’il est en capacité de gagner et comment il faut le ménager pour arriver à la meilleure performance. Ce mécanisme est humain, c’est un sixième sens que l’on a su développer à mesure des années que l’on a vécu auprès des chevaux. Des savoirs transmis de génération en génération depuis la domestication du cheval jusqu’à notre ère.
De même, l’activité de coaching reste une relation humaine nécessaire à l’apprentissage de l’équitation. Ne serait-ce que par le partage de la philosophie du coach. Encore une fois, aucune caméra ne pourra remplacer l’œil du coach à un instant T. Peut-être que ce seront les transports en commun qui évolueront enfin pour permettre une plus grande facilité de transport entre la ville et les villages. Ce ne serait pas du luxe ! Mais bel et bien une nécessité si l’on veut désengorger les villes et les banlieues où la vie est parfois inhumaine (le métro et RER parisiens en sont de vivants exemples), si l’on veut qu’enfants et adultes aient plus facilement accès à des espaces naturels. Pourquoi serait-ce aux centres équestres de migrer vers les villes alors que le cheval est plus que tout un sport de nature ? En ce qui concerne les infrastructures en tant que telles, l’agroalimentaire équin et les spécialistes des sols, pour ne citer qu’eux, travaillent probablement d’ores et déjà sur les problématiques climatiques. Le changement environnemental crée naturellement de l’innovation et une nouvelle économie. La demande, plus elle sera forte, créera l’offre et inversement.
La filière équine a moins besoin de changer radicalement que de s’adapter sans heurts et revenir à une simplicité parfois oubliée.
Le futur proposé par Jean-Christophe Dupuy ne sera pas forcément celui qu’il décrit. Tout peut encore changer en fonction de nos décisions, de ce que nous créons et de comment nous agissons aujourd’hui. L’éveil et la prise de conscience doivent être immédiates c’est certain. Les solutions doivent être des mesures engagées et non marketées pour satisfaire les animalistes/écologistes de façon superficielle. Les changements doivent se faire en profondeur en acceptant que cela puisse prendre du temps.
L’humain a besoin de 21 jours pour adopter une nouvelle habitude. Mobiliser toute une filière ne pourra se faire que par étape. Avec des réussites et des échecs qui nous permettront de mieux rebondir. Créer des étapes sont autant de potentielles réussites qui permettent de garder une motivation durable tout au long du chemin et de faire en sorte que nous soyons tout aussi nombreux si ce n’est plus de passionnés en 2050 à vivre de cette filière.
La route est longue. Nous comptons sur les institutions équines pour déterminer le cap, les étapes et ce qui peut être changé dès maintenant, en douceur et par tous, pour ne pas incommoder la filière économiquement et politiquement. Et surtout pour obtenir le soutien et la mobilisation du plus grand nombre dans la quête d’une équitation saine et durable où le cheval fait partie intégrante de la société. Où le cheval est notre meilleur ami. Où le Cheval est respecté à l’égal de l’Homme.
Pour Pierre Rabhi, initiateur du Mouvement Colibris, la transformation de la société est totalement subordonnée au changement humain, au changement personnel. Chacun doit conscientiser sa part de responsabilité dans chaque décision, chacun peut faire sa part pour bâtir cette société. Le changement de la filière équine ne pourra donc passer que par les humains, individuellement et collectivement.
“Vivre une vie totalement différente ne tient souvent qu’à une seule décision” – Franck Nicolas, encore faut-il décider de la prendre.
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