CSO : les secrets de la technique du “coup de bambou”

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L’enquête sur Ludger Beerbaum diffusée sur RTL Extra en Allemagne a montré 4 vidéos dans lesquelles le cavalier fait sauter son cheval avec la technique du “coup de bambou”. Le cavalier allemand explique sa version dans ce communiqué.

A quoi sert cette technique ? Quelle différence avec le barrage ? Que faut-il penser de sa médiatisation ?

Qu’est-ce que la technique du “coup de bambou” ?

Le cavalier à cheval doit aborder un petit obstacle dans une attitude relâchée. Un piéton avec une tige de bambou ou une tige fine en bois très léger effectue une touche au niveau des sabots au moment où le cheval saute. Le cheval ne doit ressentir que de petites vibrations qui lui sont désagréables dans le sabot. Le cheval comprend alors qu’il doit lever un peu plus haut la partie du corps – membres antérieurs ou postérieurs – qui a été touchée pour les prochains sauts.

Pourquoi utilise-t-on du bambou ?

Le bambou est extrêmement léger et comme son intérieur est creux, le bois vibre au moindre contact. Réalisé avec doigté, on ne cherche surtout pas à créer des chocs car cela risquerait de déséquilibrer le cheval pendant le saut et entraîner une chute. Cette modification lui permettra d’améliorer le mouvement général de son saut, soit dans le style, soit dans la trajectoire du saut.

En quoi est-ce éducatif ?

Le “coup de bambou” sert à apprendre au cheval à améliorer le mouvement de son corps au-dessus de l’obstacle. Plus le mouvement s’approche de la perfection parabolique, plus on lui donne de chances de réaliser des parcours sans fautes. Plus il répète des bons sauts corrigés si nécessaire, plus il apprend à bien sauter tout le temps. Quand le cheval effectue un bon saut, on ne le touche pas avec le bambou.

A court, moyen et long terme, on l’aide à avoir un mouvement meilleur ou se rapprochant de la perfection pour franchir les obstacles.

Comment distingue-t-on “coup de bambou” et “barrage” ?

Le “coup de bambou” vu chez Ludger Beerbaum concerne les « touchettes » qui sont des mini-touchettes pour aider le cheval à améliorer son style ou sa manière de sauter sans créer une crainte de la barre.

Ce qu’on appelle le “barrage”, ce sont toutes pratiques conscientes ou non qui ont pour conséquence de créer une peur de l’obstacle chez le cheval ou une forme de douleur lors du franchissement de l’obstacle de telle sorte qu’il évite de toucher les barres à l’avenir.

Que faut-il penser de la médiatisation du “coup de bambou” ?

Aujourd’hui, il est évident que toutes les formes de « dopage mécanique » ne sont plus acceptables aux yeux de notre société. Le public n’est plus prêt à accepter des techniques artificielles à des fins de performance, même s’il peut les comprendre.

Le public est en quête de vérité. Le sport peut-il changer ? Le sport peut-il proposer une performance “au naturel” si tant est qu’elle soit réellement possible dans notre système actuel ? Peut-on continuer de valoriser de la même façon des chevaux qui sautent naturellement bien un obstacle autant qu’un cheval que l’on doive aider artificiellement à être respectueux des barres ?

D’autre part, les cavaliers toutes générations confondues sont-ils prêts à sacrifier les techniques d’autrefois pour s’accorder avec la demande d’un sport plus propre et plus éthique ? Si les cavaliers n’ont plus la possibilité d’utiliser une technique d’apprentissage réputée comme très efficace, est-ce que cela signifie qu’on limite l’amélioration des chevaux par le travail ? Est-ce qu’on sera alors face à un sport de moins bonne qualité ? Est-ce qu’il y aura autant de parcours sans fautes à haut-niveau ou même dans des épreuves à partir d’1m30 ?

Si le monde des courses hippiques accepte d’exclure de la compétition les chevaux pas assez rapides, le monde du jumping peut-il accepter de reconvertir ou déclasser un cheval d’obstacles pas suffisamment respectueux des barres ou simplement pas adapté à la discipline pour laquelle il est né au départ ? Dans ce cas, comment devraient être alors déterminés les critères de performance naturelle du cheval pour une carrière à l’obstacle ? Qu’est-ce qui devrait être mis en place pour assurer un avenir durable à chacun de ces chevaux ?

Le saut d’obstacles, et plus largement les sports équestres, ont atteint le maximum de ce que pouvait lui apporter le système patriarcale. Il doit maintenant honorer les nouveaux désirs de la société qui, aujourd’hui, tend à vouloir supprimer la réalité économique dans les relations entre l’homme et l’animal. Sans quoi, il risquerait à terme de creuser bien trop profondément le fossé qui l’éloigne de son public, ce qui le mènera inéluctablement à sa perte.

Le bambou, ce que j’en pense ? [mise à jour 20 janvier 2022]

Suite à l’enquête sur Ludger Beerbaum qui a suscité une vive émotion, je me suis intéressée à ce qu’était exactement le “coup de bambou”, tel qu’on l’appelle dans le jargon. Finalement, qu’est-ce que j’en pense ?

Plusieurs professionnels ont accepté de me répondre, ce qui m’a permis d’en donner une définition la plus proche de ce qu’elle doit être. Cette pratique est par ailleurs tolérée par certaines fédérations dont celle de l’Allemagne puisqu’elles la définissent et l’encadrent par un règlement.

Définir n’est pas consentir. A titre personnel, ce n’est pas une pratique que j’ai envie de tolérer, ni comme j’ai envie de tolérer des pratiques plus instrumentalisées. Sauf que cette pratique est là, elle existe mais on ne la voit pas. C’est un fantôme et le problème c’est qu’on ne peut pas vraiment aller contre quelque chose qui n’existe pas en apparence. Un sujet sur lequel on ne fait pas de bruit, c’est un sujet pour lequel on ne prend pas de décision puisqu’ “a priori” il n’intéresse personne.

Prendre position sur le pentathlon moderne, c’était facile, c’était visible, ça faisait du bruit. Les décisions sont vite tombées. (CF. Pentathlon moderne, le massacre de l’équitation – 7 août 2021, Lettre ouverte au Comité International Olympique et à l’Union Internationale de Pentathlon Moderne – 11 août 2021, Bien-être du cheval : le pentathlon moderne prend des mesures – 13 août 2021, Un nouveau pentathlon moderne ? – 2 novembre 2021)

Le bambou et les outils de barrage “fixes” dans le cadre de l’apprentissage, c’est plus complexe car ils soulèvent aussi une réalité économique adjacente (grosso modo le besoin de vendre des chevaux pour sur-vivre à l’échelle individuelle et collective) et parfois égotique (le goût pour la compétition, le besoin d’avoir raison sur l’animal, le besoin d’avoir le dernier mot). Si le second point relève du développement personnel, le premier point est plus délicat car il touche une très large population par effet papillon. La filière équine fonctionne comme un grand réseau avec diverses interactions économiques, politiques, etc, où chaque individu exerce une influence plus ou moins élevée.

Interdire, c’est une chose. Mais avec quelles solutions ? Quelles solutions économiquement viables vis-à-vis des chevaux mais aussi des humains qui s’en occupent, qui dédient leur vie à la filière ? Qu’est-ce qu’on propose pour bénéficier d’un système sain pour tous ? Qu’est-ce qui va permettre à tout le monde, amateurs compris, de continuer de monter à cheval parce que finalement on aura réussi à devenir irréprochables et qu’on aura réussi à prouver d’une certaine façon pourquoi monter sur un cheval ne lui est pas nuisible.

Le plus grand ennemi de la pratique équestre à l’heure actuelle selon moi, ce n’est pas le bambou. C’est l’incapacité des passionnés de chevaux et de toutes les équitations à essayer de se comprendre mutuellement, à réussir à trouver des consensus à mettre en place face à la menace d’un monde “anti-équitation”. Elle est là l’urgence.

La gueguerre interne à tous les niveaux de l’échelle prend tellement d’énergie à tous pour savoir qui à tort qui a raison ; alors qu’on pourrait utiliser cette même énergie à chercher des solutions pour savoir comment changer et s’adapter à notre nouvelle société.

Donc moi ma position aujourd’hui, et depuis plusieurs années, c’est de prendre de la hauteur face à toutes les informations que je reçois. C’est de comprendre le pourquoi, les enjeux, pour un jour je l’espère, savoir répondre à la question “comment ?” et faire en sorte que cela soit mis en place dans les meilleurs délais.


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